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CHRONIQ^UE DRAMATIQUE

��Je vais donc retourner au théâtre. Les mêmes auteurs occu- pent la scène. Les pièces qu'on joue sont toujours les mêmes. Les acteurs aussi n'ont pas changé, ou si quelques-uns sont nouveaux, ils ressemblent aux précédents qu'ils imitent. Les salles de répétitions générales ou de premières ont toujours leur assistance de critiques francs, libres, hardis, jugeant selon leur seule opinion, en dehors de toute combinaison d'intérêt ou de camaraderie. Le public a toujours autant d'attrait pour les belles œuvres et autant dégoût pour le véritable esprit. Quel change- ment ? Aucun ! Pas même dans mes dispositions à admirer et célébrer tout cela.

Dire que je n'aime pas le théâtre ?... J'exagérerais. Fils de comédien et de comédienne, élevé au milieu de gens de théâ- tre, au milieu de troupes sans cesse en répétitions dans l'appar- tement de mon père, rue des Martyrs, j'ai passé au théâtre mon enfance et une partie de ma jeunesse. Il est vrai que c'était dans les coulisses, dans les couloirs, dans les loges d'artistes bien plus que dans la salle, ou encore dans le trou du souffleur, endroit qui m'enchantait. Je dois à cela d'avoir perdu de bonne heure l'illusion au théâtre. Je voyais, dans les coulisses, les héros et les grandes amoureuses parler familièrement, comme vous et moi, de choses ordinaires. Je voyais se promener, en riant, deux ennemis qui, tout à l'heure, pleins de menaces, cho- quaient leurs épées avec grand fracas. J'entendais l'ingénue tenir, en les accompagnant de gestes, les propos les plus osés. Je voyais le grand jeune premier, que son âge trahissait dans cette intimité, refaire sur son visage, à l'aide de fards, avant d'aller briller et soupirer de nouveau, la jeunesse de son rôle. Je voyais le pauvre comédien éternellement condamné à des rôles muets : invité, guerrier, ou domestique apportant une lettre sur un plateau, se consoler en débitant avec chaleur les tirades des grands rôles qui lui étaient interdits. Je les voyais les uns et les

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