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CHRONIQUE DRAMATIQUE 45 t

rien d'humain ni de général, minces de matière dans leur précio- sité, ces pièces dont les chefs-d'œuvre nous ont été donnés par M. Henry Bataille et M. Georges de Porto-Riche. J'aime ce qui est simple, naturel, vrai, rapide, ce qui rit avec légèreté, ce qui est sensible sans déclamation, hardi avec esprit, ce qui s'exprime dans le langage de la causerie, ce qui peint la vie et les hommes tels qu'ils sont. Je pense que le théâtre se fait avec des répliques et non avec des couplets de livres plus ou moins savants ou plus ou moins poétiques. De tels auteurs me font l'effet de gens, dans un salon, qui veulent briller à tout prix, n'arrivent pas à sortir de leurs phrases et ennuient tout le monde. Un jour, je me suis amusé à dépeindre mon retour de ces merveilleux spectacles, dans ma maison tranquille et solitaire. J'ai donné un aperçu du monologue que je me tiens alors, débarrassé de ces phraseurs, en compagnie de mes chats et de mes chiens et de mon buste de Diderot, me reportant par la pensée et le regret à cette admi- rable époque de l'esprit, de la hardiesse des idées, de la facilité des mœurs, pleine de fantaisie, de pittoresque et de diversité. On écrivait par plaisir, sans nul souci d'instruire ou de morali- ser, comme on voit aujourd'hui tant d'auteurs ne savoir l'être autrement, éblouis d'apprendre à leur voisin ce qu'ils ont appris la veille. Où est-il ce temps dont nous nous éloignons de plus en plus par les mœurs, les arts, la société, par cette vulgarité, cette uniformité et cette cupidité qui régnent sur tout aujour- d'hui ? J'étais né pour y vivre, moi qui le sens si bien et qui fais de tout ce qui le composa mon plus vif plaisir d'esprit, bien plus que pour vivre dans ce temps présent, où écrire est devenu un métier comme d'aligner des chiffres ou débiter des denrées. J'y rêve quelquefois. J'aurais été, sans doute, un gazetier connu, un habitué de théâtre écouté, un faiseur de libelles redouté, un diseur d'anecdotes apprécié, la rue, la ruelle, les coulisses n'auraient eu aucun secret pour moi, des filles d'opéra aux grands seigneurs j'aurais eu mon entrée partout, ouverte ou clandestine, partout malicieux, indiscret, hardi, équivoque et 'galant, m'amusantdetout sans croire à grand'chose, me moquant du tiers comme du quart, tout au plaisir de noter sur mes tablettes la chronique de la ville, mon esprit et mon talent sans cesse excités partant de spectacles divers. L'amour aurait eu sa part, comme on s'en doute. J'aurais été entretenu en secret par-

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