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��514 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

victoire sont particulièrement dangereux ; Nietzsche le savait bien, et c'est ce qui lui faisait écrire, après 70 : « La nature humaine supporte plus difficilement la victoire que la défaite », et les quelques pages qui commentent cette phrase, au début de ses Considérations inacttielhs — pages si éloquentes et si sages, et dont la méditation serait pour nous de si grand profit, que je les souhaiterais af- fichées sur nos monuments publics, à côté des discours à la Chambre.

Je crois que l'on peut aujourd'hui, sans trop se faire aboyer, dire à voix haute ce qui ne fait secret pour per- sonne et que seuls quelques obstinés se refusent encore à admettre : la France, depuis la fin de la guerre (je n'ose dire : depuis le commencement de la paix) n'a cessé de perdre du terrain — moralement et intellectuellement. (Et j'ajoute aussitôt que je la crois sur le point d'en re- prendre.) Des avantages de sa victoire a-t-elle maladroi- tement usé ? Je n'ai garde d'aventurer ma critique sur le terrain de la politique et de la diplomatie. Je sais bien qu'en travaillant à se faire craindre, parfois on ne parvient qu'à se faire détester, et j'ai grand besoin, pour me ras- surer, de relire cette phrase de Bossuet : « Il est arrivé qu'en méprisant par raison la haine de ceux dont il nous fallait combattre les prétentions, nous en acquérions l'es- time, et souvent même l'amitié et la confiance '. » Je souhaite qu'il en advienne ainsi ; mais, précisément, si j'examine l'action officielle et officieuse de la France dans' le domaine qui m'est le plus familier, celui des lettres et des arts, il me paraît que trop souvent ce n'est pas la raison qui guide, cette raison que souhaitait ici Bossuet — ou qu'elle est bien mal éclairée. Que penser de cette « propagande » française, dont parle Thibaudet dans un excellent article de Y Opinion (13 août 1921) ? Les exemples qu'il cite d'incompétence, de maladresse, d'imbécile fatuité

I . Oraison funèbre de Michel le Tellier.

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