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ENTRE LA FRANCE ET l'aLLEMAGNE 521

Utile, » dit Thibaudet. J'ai plaisir à lui laisser encore la pa- role, ne trouvant rien à ajouter, rien à redire à ceci, dont je veux faire ma conclusion :

Il y aune vie internationale, dans laquelle les individus et les nations sont baignés, et avec laquelle les individus ne com- muniquent pas toujours par l'intermédiaire obligatoire de leur nation. Sachons la considérer non d'un point de vue nationa- liste, non d'un point de vue internationaliste, mais d'un point de vue international, c'est-à-dire d'un point de vue humain. On ne saurait dire que les intérêts d'aucune nation, fût-elle la France, se confondent avec ceux de Thumanité, de même que les inté- rêts de l'individu ne se confondent jamais complètement avec ceux de la collectivité. C'est par un effort continuel d'adapta- tion, de mise au point, et, dans des moments exceptionnels, de sacrifice, qu'on arrive à les faire à peu près collaborer, sans dépasser jamais beaucoup le domaine de l'a peu près. La géné- ration française qui a passé par la double crise de l'affaire Dreyfus et de la guerre, ceux de cette génération qui se sont efforcés dans ces deux moments de conserver leur équilibre et leur santé intellectuelle, sont peut-être parmi les mieux armés pour cette tâche délicate. Dans les régions dévastées du Nord, le premier travail de réfection, celui sans lequel les autres sont impossibles, doit porter sur les voies de communication, rou- tes, chemins de fer et ponts. Il en est de même du monde après la guerre, et particulièrement du monde intellectuel. Il faut y retrouver les routes qui font communiquer les pensées individuelles et nationales, les retrouver pour elles-mêmes, pour la circulation économique, même pour le voyage d'intel- ligence et de plaisir, et non en songeant toujours aux besoins stratégiques. N'ayons d'ailleurs pas la naïveté de croire qu'elles aient attendu notre initiative. Difficilement et peu à peu leur restauration a déjà commencé ; nous devons la continuer.

Puisse la Nouvelle Revue Française y aider ; il n'est peut- être pas aujourd'hui de tâche plus importante.

ANDRÉ GIDE

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