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564 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'un hobereau périgourdin en lutte contre ce qu'il croit les désirs de sa conscience claire, c'est le sujet de la Maîtresse Servante '. Le sens de la race et de la patrie envahissant chez un homme tout le champ de la conscience claire et lançant cet homme dans une lutte ouverte contre son peuple qui n'est plus guidé par cet inconscient de la race, c'est le sujet du Paul Déroulède. L'inconscient reli- gieux d'un homme attisé par des prédications fanatiques et aboutissant à un meurtre, c'est le sujet de la Tragédie de Ravaillac.

Et les sujets des premiers contes des Tharaud étaient du même ordre : les Frères Ennemis décrivent une lutte entre une âme calviniste et une âme catholique ; Bar Cochehas entre une âme juive et l'âme chrétienne ; les Hobereaux un con- flit entre deux classes, celle des féodaux et celle des pay- sans, qui ne savaient plus qu'elles se haïssaient et qui, se le rappelant soudain, versent le sang.

Il n'est pas jusqu'à l'un des tout premiers essais des Tha- raud, daté de 1898-99 qui, livrant le secret de leur vingtième année, ne pose le problème pour eux vital du conflit entre l'homme et ses atavismes, sa race, sa religion. Le jeune aveugle de la Lumière qui cherche sa voie dans l'om- bre et qui, après bien des tâtonnements, préfère au catholi- cisme une morale anarchiste d'action et de beauté, ne reviendra-t-il pas à la religion de son enfance ? De quelle durée sera son triomphe sur sa race et sur la cro5^ance de ses aïeux ? Le récit se termine sur cette phrase où les Tharaud ont exprimé l'impossibilité de l'évasion : « Des vols d'Elo- him tourbillonnent autour de sa tête. David ne sera pas toujours aussi orgueilleux. Sa raison sera domptée. Il se prosternera devant l'Eternel avant que la corde d'argent se

I. « Les sentiments [de ma tante] étaient ceux de toute ma famille. C'étaient les miens profondément. Mais je portais déjà dans mon cœur quelque chose d'insatisfait qui s'est toujours révolté contre eux... Et c'est ainsi que de bonne heure je me trouvais en guerre ouverte avec ma nature profonde ». La Maîtresse Servante, p. 16.

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