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568 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Tous ces préparatifs qui descendent jusqu'au plus infime détail expliquent encore leur style. Au moment d'écrire, ils n'ont vraiment plus qu'à distribuer leur style sur leur schéma, comme un Ingres la couleur dans les cases d'avance ménagées sur ses esquisses.

On ne manque pas de trouver épars dans leur œuvre des fragments de leur « art poétique » qui corroborent ces hypothèses sur leur méthode de travail. Dans Dinghy d'abord ils parlent de « la sensibilité modérée de l'artiste qui arrête sur l'humanité le regard du chirurgien sur le patient qu'il découpe ». Et plus loin : « Il choisissait autour de lui un objet, le considérait longuement et cher- chait le mot, l'image qui rendrait son apparence sensible. » Ailleurs encore : « Infortunés littérateurs ! Les photo- graphes leur font une concurrence redoutable. La phrase la plus pittoresque a moins de force expressive qu'une image d'un penny. En serons-nous bientôt réduits à écrire des romans psychologiques, des adultères français ou des moralités slaves ? Dieu m'en préserve ! J'ai quelques traits, quelques mots, quelques silences, quelques actes aussi,, que nulle photographie ne reproduira jamais. » Et dans Une Relève : « La seule vérité, c'est le rêve qui s'épanouit au- dessus de ces choses d'accident ; c'est ce qui reste de bril- lant, d'irisé au creux de la main de tant de minutes sans éclat, etc.. C'est un art bien misérable celui qui se com- plaît à reproduire les choses avec servilité... Sous prétexte de réalisme, c'est presque toujours du mensonge. »

Qu'est-ce là préconiser sinon un art tout d'élaboration patiente et jamais de premier mouvement ? La quête avide, mais sans émotion superflue, du trait, du mot, du silence ou du paysage ; et la lente décantation de ces choses d'acci- dent jusqu'à y découvrir un prétexte à rêverie ou un sentiment élémentaire... Art-aboutissement comme leur tyle, et non point jaillissement. Pour reprendre le mot de Barrés : citerne et non pas source.

Art composé de quatre éléments toujours les mêmes.

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