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JEROME ET JEAN THARAUD 571

démonstration rigoureusement conduite et où les conclu- sions générales anti-juives sont tirées d'une étude toute partiale, fragmentaire et locale de vie juive en Hongrie, durant quelques mois d'après-guerre.

Et comme ce simple recueil d'articles manque d'une char- pente solide, et a de toute évidence été rapidement mis au point, tout son intérêt littéraire réside dans la virtuosité du style. Cette forme qui n'est plus étayée par un fond solide et orimnal montre le défaut de sa cuirasse. Ce n'est plus du Tharaud, c'est du Barrés qu'on croit lire, et non pas ■celui des meilleurs jours.

C'est que le rôle de Barrés, dans la carrière des Tha- Taud, ne saurait être exagéré. Ce fut celui d'un maître et peut-être d'un mauvais ange. Quand son influence com- mença à s'exercer sur eux (c'est vers le temps de Dinghy que les Tharaud devinrent ses secrétaires), les deux frères avaient déjà écrit beaucoup et s'approchaient de la maî- trise. Leur caractéristique, c'était alors cette brièveté forte dont parle Péguy, un style haché qui rappelait Mérimée, un style saccadé qui s'apparente à celui du Jean-Christophe ou de YOrdination de Benda et qui fut au début le style des CaUers. C'est entre les deux Dingley que la cassure se produit et à partir de la Fête Arabe, on peut découvrir dans chaque livre des Tharaud tous les procédés, tous les poncifs, la nonchalance apprêtée et l'ironie voilée de Barrés.

Dans un livre manqué comme Quand Israël..., tout — et non plus seulement le style — est barrésien : la façon de présenter les paysages, d'y relier des états d'âme, d'isoler des détails pour théoriser à leur propos, de truffer de souvenirs personnels des développements d'ordre général, de camper les personnages, tout jusqu'à la ma- nière de s'exclamer ou de terminer les chapitres; Il n'est pas jusqu'au dialogue final entre le Chrétien et le Juif qui ne rappelle le dialogue à Sainte-Odile entre les deux génies aux prises sur nos marches de l'Est.

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