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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 6oj

Les mystères sont une façon pour les clercs, qui savent lire, de montrer la Bible à ceux qui ne savent pas lire. Et que fait le théâtre de Shakespeare sinon montrer Plutarque^ les chroniques italiennes ou Belleforest à qui ne peut les lire ? Le théâtre fut donc démocratique (dans un sens très spécial, ajouterons-nous vite pour ne pas recevoir de M. Maurras la kttre qu'il écrivit jadis à M. d'Haussonville, et comme les journaux appellent le colin le démocratique colin, non que ce poisson ait installé ■dans les profondeurs marines le suffrage universel, mais parce ^ue son prix le met à la portée de toutes les ménagères). L'im- primerie et l'école ont fait du roman à son tour le genre •démocratique. Et si la démocratie (toujours au même sens) est une conquête de l'homme, elle est bien davantage encore une conquête de la femme, elle tend invinciblement (avec ou contre la nature, cela c'est une autre histoire) à l'égalité des sexes... Les adversaires <le la démocratie (au sens politique) voient même en elle une transgression exorbitante de la nature féminine (lisez le Romantisme Féminin de M. Maurras et les ouvrages de M. Seillière). En tout cas la victoire du roman, la transgression (au sens géologique) du roman sont un peu des victoires et des transgressions de la femme. La poésie féminine est restée jusqu'ici très exceptionnelle, n'a paru que chez quelques poètes mineurs. L'art de la composition dramatique a toujours été absolument fermé aux femmes. Ne ■parlons pas de l'éloquence ni des grands genres spéculatifs ou •critiques. Dans le roman au contraire la femme est chez elle. Le xviF siècle français avait déjà eu moins de romanciers que de romancières. Quand commence avec Walter Scott la des- 'Cente en bataillons serrés des romans, les femmes y ont leur place éminente. Deux des grandes natures romancières du siècle sont féminines, George Sand et George Eliot. Et si je n'avais pas déjà employé plus haut ce mot de nature, il me Vîiendrait à leur propos irrésistiblement.

Les deux romans, anglais et français, -se comportent ici assez différemment. D'une part les femmes auteurs tiennent plus de place dans le -premier que dans le second. Un certain nombre de grands ateliers, comme ceux des Hvimphry Ward, des Gaskell, sont féminins. Des femmes tiennent une place de Racine anglais, c'est-à-dire introduisent dans le roman (avec une par-

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