Mais ce qui est incomparable et qui, malgré les efforts du Club des Cent, ne nous sera plus rendu, c’est la poésie gustative de ce bon vieux temps. Je donnerais bien des poèmes en prose d’aujourd’hui pour des phrases comme celles-ci (et elles abondent) : « Hélas ! dit Maguelonne honteuse, c’est tout bonnement une omelette aux queues d’écrevisses et aux laitances de carpes, sur laquelle j’ai versé un simple jus de perdrix et de cailles. » benjamin crémieux
LES YEUX NEUFS, par Lucien Daudet (Flammarion).
Sans doute le bruit fait autour du Journal des Concourt ne saurait-il guère encourager les héritiers d’Alphonse Daudet à publier un jour ses abondants carnets. (Ne pourraient-ils cepen- dant les utiliser pour nous donner une bonne édition critique et documentaire de ses œuvres complètes, qui serait la bienvenue ?) En tout cas la littérature de mémoires n’a pas chômé dans la famille. Après ceux d’Alphonse et d’Ernest Daudet, les fort agréables souvenirs de Madame Alphonse Daudet et cette série de M. Léon Daudet, gonflée de verve, de style savoureux et de grosse santé, voici que M, Lucien Daudet ajoute avec les Yeux Neufs un cinquième nom à notre liste. On ne saurait rien imaginer de plus différent de Fantômes et Vivants (où il y a plus de vivants que de fantômes). Le livre est en demi- teintes, avec peu d’anecdotes, et de jolis et mélancoliques sentiments d’enfant doux. Pas de mémoires de la vie littéraire, mais simplement de la vie, qui ne s’impose pas et qui éprou- verait une certaine pudeur d’exister. N’ayons pas le mauvais goût de féliciter M. Lucien Daudet d’être si peu méridional. N’allons pas non plus jusqu’à l’en plaindre, notons simple- ment cette ligne d’évolution dans une famille littéraire.
ALBERT THIBAUDET
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LA POÉSIE HENRI ALIÈS.
Henri Aliès vient de mourir sans atteindre à son midi. La vie eût dû lui être légère. Dans son Languedoc, au milieu des maïs et des vignes, on se fût plu à l’imaginer chassant, rêvant, en
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