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LES REVUES 635

LES REVUES

EXCUSE A NIETZSCHE

Dans les Ecrits Nouveaux (août-septembre). André Suarès présente à Nietzsche ses « excuses » pour l'avoir un peu mal- mené pendant la guerre, mais il continue de souligner les affinités profondes de son génie avec celui de son peuple :

Je ne saurais me repentir d'avoir vu le grand Allemand dans Nietzsche, et l'homme de l'Empire. Il y est même quand il maltraite l'Allemagne et qu'il méprise l'esprit allemand. Voltaire est-il moins Français pour avoir lancé bien des brocards contre la France et fort durs quelquefois ? Ou Stendhal, parce qu'il a l'air de préférer tous les pays au sien, en art et en amour ? Mais, en son temps, personne n'est si Français que ce citoyen de Milan, et il ne rêve que de Paris à Civita Vecchia. Nietzsche ne méconnaît pas la culture française ; il l'admire au contraire, et par là il se sépare de son peuple et de l'opi- nion. Au fond cependant la France est du passé pour lui. Son idéal de l'homme et de l'Europe est celui d'une culture allemande à la Nietzsche et selon Nietzsche : car il n'en sera sûr enfin que s'il l'accomplit. Wagner, le soir de Bavreuth et de son triomphe, déclare aux Alle- mands : « A présent nous avons un art ! » Et certes, comme Hans Sachs, il entend un art allemand, et que les Allemands n'ont pas eu jusqu'ici. Nietzsche voudrait en dire autant : il aspire au jour de la victoire, où il pourra proclamer sur sa montagne : « Enfin ! nous avons une culture et l'Europe, le Monde l'a par vous, comme vous l'avez par moi. » Sa partialité pour la France n'est qu'apparente : elle lui sert à irriter l'Allemagne, à exciter l'orgueil d'une culture rivale ; il gourmande son peuple pour l'élever, il veut l'arracher à la lourdeur, à la pesante ébriété de sa force, à son éternelle vulgarité.

Plus loin, repris par un peu d'impatience, Suarès décrit un des défauts allemands dont en eifet nous avons le plus de peine à nous accommoder :

Ennoblir l'espèce humaine : Ibsen excepté, personne n'en fut plus hanté que Nietzsche. Il se croit mourant, il est presque aveugle ; il prend pourtant la plume : il s'adresse à M'ie de Meysenbug, cette par- faite idéaliste, il s'unit à elle qui n'a jamais connu d'autre passion, et il affirme : « Nous espérons pour l'humanité. » Vingt fois, dans sa vie, il se pose la question : « L'homme peut-il s'ennoblir ' ? »

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