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d’hypocondrie, contre ta perpétuelle tentation de découragement. — Il faudra une fois rendre compte ; il faut chaque jour rendre grâce. — Nul ne vit pour lui-même ; pense à la mort, et songe à te préparer l’oreiller d’une conscience en repos. Tu n’as maintenant ni quiétude, ni contentement, ni sérénité, ni joie, parce que tu ne fais pas ce que tu devrais faire, parce que tu n’es pas ouvrier avec Dieu, parce que tu n’as pas la paix du cœur. Ta mollesse agitée vient des fluctuations perpétuelles de ton être central, qui n’a ni consistance, ni convictions, ni fixité, ni caractère. Tout chez toi est flottant, indécis, incertain, vague et mobile ; tu crains de conclure, d’affirmer, de vouloir, et même de vivre. Tu n’es qu’hésitation, doute, appréhension, suspension. C’est-à-dire que tu n’es rien de positif, que tu n’es rien ni personne, tu n’es qu’un point d’interrogation, un nuage, une ombre, un soupir, une apparence sans corps. Ce manque de personnalité, d’individualité vient du manque de résolution. Tu es tellement objectif, que tu n’es plus un sujet, un homme. Tu te dissous continuellement dans les choses extérieures, et ne retrouves de toi que la capacité psychologique de t’apercevoir, de faire miroir, écho, aux phénomènes involontaires de ton être. — Tu as presque aliéné ta liberté, et perdu la disposition de tes forces. — Et cependant vivre c’est vouloir sans relâche, c’est restaurer perpétuellement sa volonté.

JEUDI 20 SEPTEMBRE l866

(9 h. matin). Temps merveilleusement beau. La tentation du voyage grésille tout au fond de mon être. « Comme un oiseau, je voudrais m’envoler ». Calvisson, Sion, Berlin m’ont offert des asiles, et nos monts et nos lacs sourient à l’ermite. Qui sait d’ailleurs pour combien le désir d’échapper à la nécessité, de narguer la raison, de fuir le devoir est dans cette démangeaison de départ. Je