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720 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

levard, nous désignait en ces termes à l'animadversion publique : « Avez-vous réfléchi, mesdames et messieurs, sur ce qu'était un critique et sur l'étrangeté de sa profession ? Et c'est pourtant ce faible humain qui assume tous les mois la charge de juger tous les livres, de prononcer sur le fin du fin, de discerner le bon et le mauvais, de vous indiquer les auteurs dont vous pourrez un jour revendre les premières éditions avec de gros bénéfices. Qu'a-t-elle fait jusqu'ici, la critique ? Lisez dans le Miroir des Lettres ce que le plus intelligent de ces deux cocos dit de Sainte-Beuve. Eh bien, cette imperturbabilité de la critique, après une telle succession de ratés, cela me dépasse. Chaque fois que j'y pense, je me sens rajeuni de cinquante ans, je fais des pâtés de sable et je monte dans la voiture aux chèvres ! » Je demeure- rais stupide, mais M. Vandérem ne serait pas embarrassé pour expliquer à ce forcené que jamais critique n'eut de telles ambi- tions, et que ce qui existe vraiment ce n'est pas tel critique, lui ou moi, ou même un Sainte-Beuve et un Brunetière, mais la critique, c'est-à-dire un organisme dans le temps et dans l'espace, où plusieurs voix se font entendre, où leurs contradictions même sont bienfaisantes en ce qu'elles multiplient les points de vue, où chacun pousse son idée, et où la mise au point se fait par une collaboration involontaire et spontanée. Il n'en est pas autrement de la philosophie.

M. Vandérem, continuant patiemment à éclairer l'olibrius, pendant que moi-même j'écouterais et m'instruirais, ajouterait que cette critique, qui paraît à ce sauvage si conjecturale et si follement ambitieuse, estarrivée à établir beaucoup de vérités, le capital de vérités grâce auquel nous nous promenons dans les chefs-d'œuvre de notre littérature, non seulement en êtres sen- sitifs, mais en hommes intelligents et de plus en plus capables d'un plaisir réfléchi. Que si, jetant les derniers restes d'une fureur qui cède à regret à la persuasion, l'autre arguait encore des contradictions entre critiques, nous disait par exemple qu'après avoir interprété le théâtre de Corneille par la lutte du devoir et de la passion, on l'a interprété ensuite par la tension de la volonté, et qu'on y voit aujourd'hui un autre principe, en attendant un quatrième, mon éminent confrère lui ferait obser- ver que précisément ce passage d'un point de vue plus extérieur à un point de vue de plus en plus intérieur, cette série de recti-

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