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NOTES

��LITTÉRATURE GÉNÉRALE

MARS OU LA GUERRE JUGÉE, par Alain (Editions de la Nouvelle Revue Française).

« Tout bon raisonnement offense. » — Un mauvais peut bien offenser aussi. Mais comment les distinguer, si d'abord vous tenez pour offense l'effort même de raisonner? Ceux qu'irrite le livre d'Alain doivent convenir que le sujet mérite leur attention entière : « Il s'agit maintenant pour moi de la vie des autres, au sujet de laquelle je dois décider pourquoi et en quelles circonstances j'accepterai ou non, le cas échéant, qu'ils meurent pour mes idées. Soyons donc scrupuleux et non point léger. » Ils doivent convenir que l'heure est bien choisie, « car la Guerre a cette puissance qui lui est propre, qu'on ne peut plus rien contre elle dès qu'on voit par expérience ce que c'est. » Enfin le dessein d'y voir clair n'est pas refus d'action commune et révolte contre la loi ; mais « c'est déjà trop de subir les effets, conformément au pacte social et au serment d'obéissance, sans encore adorer les causes. » Que gagnerait-on à prendre, en face d'un tel livre, attitude d'adversaire ? Quel que soit son parti pris, Alain ouvertement affirme, tâche de suivre sa méthode ordinaire, qui est de décrire l'objet en le construisant par ses causes ; jamais il ne nous instruit mieux qu'en montrant à chacun ce qui le choque le plus, ce qu'il tâchait de ne point voir. Quant aux objections possibles, l'auteur en donne lui-même le principe : « Si la pensée est contre les passions, c'est par la contemplation riche. Non pas deux ou trois idées, mais toutes ; car il n'y a que le tout qui soit vrai. » Si je résiste aux conclusions d'Alain, si je n'y vois céder sans réserve que ceux qui, d'avance, étaient convaincus, la prévention peut y être pour quelque chose ; mais je crois surtout qu'Alain, reconstruisant l'objet, ne le montre pas tout entier.

En pareil cas, plus un livre trouve de lecteurs attentifs, plus ses lacunes ont chance d'être aperçues, même en l'absence de

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