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2 LE CARNET DES EDITEURS

Dmitri Mérejkowsky : QUATORZE DÉCEMBRE, roman

traduit du russe par Michel de Gramont \

Tout le monde a lu le célèbre roman de Dmitri Mérejkowsky La Mort des Dieux et le public français n'a pas manqué de mar- quer une faveur particulièrement sensible aux qualités de finesse et de goût dont l'absence chez certains romanciers russes ne laisse pas de surprendre et de déconcerter, même lorsque l'éclat des descriptions ou l'originalité des situations est remar- quable.

Sous la forme d'un roman, M. D. Mérejkowsky trace un tableau de la Russie dans les derniers temps du régime impérial.

Histoires de policiers et de conspirateurs, arrestations tra- giques, fusillades, émeutes et répressions, tout ce qui compose pour nous l'atmosphère de cette dramatique époque se retrouve dans ce roman. On lira notamment avec émotion la merveil- leuse évocation de la forteresse Pierre et Paul ; la scène de la commission d'enquête chargée d'interroger le héros du livre mêlé aux événements du quatorze décembre amène naturellement un grand nombre de types de ces militaires et de ces fonction- naires à demi policiers, soii par goût, soit par intérêt, et dont les agissements infâmes ont accumulé dans le coeur de tout un peuple des rancunes et des haines inexpiables.

L'éternel conflit qui trouble l'âme russe est marquée dans ce livre en traits inoubliables. Surtout, le lecteur est touché de la sympathie profonde de l'écrivain pour les personnages qu'il met en scène, même les moins recommandables. Il s'ingénie, semble-t-il, à leur trouver des excuses et à les montrer comme les jouets des fatalités ataviques.

Parmi tous les épisodes le tableau de l'exécution des con- damnés avec la pendaison en musique atteint les limites de l'horreur tragique. Et l'ouvrage s'achève sur le contraste sai- sissant de la réalité sanglante et du rapport des fonctionnaires à l'Empereur : « L'exécution s'est terminée dans le calme et l'ordre convenable. »

En résumé, un livre digne de prendre place dans la biblio- thèque de tous à côté du livre d'Anatole France Les Dieux ont soif. On y cherchera, sous une aff'abulation romanesque, dont l'intérêt est constamment renouvelé, les témoignages des passions et des idéologies allumées pour le bonheur de l'hu- manité et qui le plus souvent n'éclairent que le désordre et la souflfrance.

I. Un volume de 418 pages, à 6 fr. 50 (Éditions Bossard).

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