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I02 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Aussi bien, quand M. Paul Valéry nous entraîne à sa suite dans « l'arcane de la génération des poèmes », on ne saurait souhaiter guide plus subtil ; et pour quiconque se plaît à médi- ter sur « l'acte même des muses », c'est un enchantement que cette promenade au labyrinthe d'Apollon.

Ayant ainsi disposé le lecteur à mieux entendre le poème de La Fontaine, M. Paul Valéry en entreprend la lecture commen- tée. Ici aucune réserve n'est de mise ; il faut rendre les armes à tant de sagacité dans la dilection, à tant de clairvoyance dans l'amour. Voici une remarque qui avait déjà été faite, mais non pas avec la même netteté : « Dans les vers, tout ce qui est nécessaire à dire est presque impossible à bien dire. » D'où la nécessité d'écrire des vers plats. C'est à quoi se refusait Mal- larmé, c'est à quoi M. Valéry lui-même ne se résigne qu'à son corps défendant. Mais il y viendra. Il y viendra parce qu'il a quelque chose à dire, et qu'il nourrit des pensées complexes qui veulent être expliquées, élucidées, enchaînées. C'est là qu'in- tervient l'art des transitions, le plus délicat de tous, selon Boi- leau, qui reprochait à La Bruyère d'en avoir éludé la difficulté ; un art oii La Fontaine excella, et dont il a donné maint exemple étonnant dans ces Contes dont M. Paul Valéry fait trop bon mar- ché. Pour aimer Adonis, faut-il mépriser hCotiiiisane amoureuse et refuser d'admettre plusieui's genres de poésie, entre l'expres- sion lyrique toute pure et le discours didactique ? M. Paul Valéry trouve admirable « l'attaque » de la partie finale, la plainte funèbre de Vénus. Jamais l'art des vers ne fut poussé plus loin.

Préte^-moi des soupirs, ô vents, qui sur vos ailes Portâtes à Vénus de si irisles nouvelles...

De pareilles beautés décourageraient d'écrire si l'on ne les oubliait, ou si l'habitude n'en émoussait l'éclat. Mais cette tran- sition pleine d'énergie et de grâce est d'autant plus frappante que les précédentes étaient plus simples :

Enfin pour divertir l'ennui qui le possède...

ou encore celle-ci :

// est temps dépenser aux funestes moments On la triste Vénus doit quitter son aniani...

que M. Valéry semble trouver trop prosaïque, poussé peut-être

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