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Italie, l’autre en Espagne et en Corse n’ont rien fait que chercher des Lafcadios — des êtres se faisant à eux-mêmes leur loi. Voulez-vous toute ma pensée ? Il ne m’a jamais paru, si l’on n’est pas catholique, qu’on puisse aimer le peuple d’une autre manière.

Une pratique plus ancienne du catholicisme vous aurait révélé le secret de Gide. Il dut être de ces enfants dont on dit dans nos familles chrétiennes : il a la vocation. Car cet homme si ondoyant fut toujours la proie d’une fixe passion : agir sur les jeunes cœurs. A ce signe reconnaissons l’homme prédestiné à l’apostolat. Mais, né hors du ber- cail, que ferait-il de ce redoutable don ? Il joue, il s’en divertit. Ce don lui devient une « fin en soi ». N’empêche que son œuvre rend témoi- gnage. Elle ne nous révèle que des joies déçues, des soifs irritées, des expériences vaines, et ce silence de Narcisse vieilli, penché sur sa fon- taine et détournant soudain des yeux pleins de larmes. Parce qu’il irrite notre soif, Gide nous fait souvenir de l’eau du puits de Jacob. Multiple, Gide se délivre dans ses ouvrages. Ce sont, non des disciples vivants, comme vous l’en accusez, mais les fils de son génie qu’il charge d’accomplir les gestes dangereux ou défendus. Lafcadio peut sans doute faire du mal ; il peut faire du bien aussi, car tout poison est un remède ; il guérit ou tue selon la dose, et selon le tempérament qui le reçoit. Quel écrivain se vanterait de ne troubler personne ? Qui sait si certains « jugements » ne dégoûteront pas à jamais certains esprits du catholicisme ? Soyons humbles, Massis !

Tout homme qui nous éclaire sur nous-mêmes prépare en nous les voies de la Grâce. La mission de Gide est de jeter des torches dans nos abîmes, de collaborer à notre examen de conscience. Ne le suivons pas au delà : lui-même nous supplie de ne pas le suivre et de nous prému- nir contre tous les maîtres qui ne sont pas le Maître. Gide démoniaque? Ah ! moins sans doute que tel ou tel écrivain bien pensant qui exploite avec méthode l’immense troupeau de lecteurs et surtout de lectrices « dirigées », — et pas plus que Socrate, accusé de corrompre la jeu- nesse parce qu’elle apprenait de lui à se connaître. Il me souvient d’avoir entendu Gide défendre le Christ contre Valéry, avec une étrange passion : attendons le jugement de Dieu.

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��LES RELATIONS INTELLECTUELLES FRANCO-ALLEMANDES

A l’article d’André Gide sur la Reprise iks relations lutellcc- liielles avec V Allemagne, que nous avons public ici même, c’est M. Paul Souday, qui, dans Paris-Midi du 4 novembre, a fait, le

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