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RÉFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 325

emprunter au même ordre physique une autre métaphore, l'in- terférence du plaisir de style et d'un autre plaisir produit facile- ment un déplaisir, comme l'interférence de deux ondes lumi- neuses engendre une zone obscure.

Le problème ne ,se pose d'ailleurs de cette manière qu'en littérature. Si on l'étudiait dans les autres arts, il faudrait en modifier les termes, et tel n'est pas mon dessein. Je veux sim- plement noter que le poète, l'auteur dramatique, le romancier sont mal à l'aise et se trouvent tout de suite pris de court devant le plaisir. Et le lecteur, le spectateur ne savent trop que penser et que dire. Un livre qui implique un appel à la sensualité, pour peu qu'il révèle quelque talent, trouve des lecteurs par milliers. 11 a pour lui non Socrate malheureux, mais ce qui sans être satisfait, sommeille et gros-ne dans le cœur humain... Le criti- que, homme sage et qui vit au-dessus des passions humaines, impose comme saint Antoine silence à ce compagnon disgra- cieux. Il fait, en bon globule blanc, la police de l'organisme littéraire. Mais pour certains ce saint Antoine est un Paphnuce... Je songe ici au conflit entre M. Henry Bataille (soutenu en somme par le public puisque ses pièces font de l'argent) et la critique, à leurs injures et à leurs exclusions mutuelles. C'est un sujet que je retrouverai un jour sur mon chemin.

��Ce chemin où, au lieu de marcher, je m'assieds sur un banc d'où je regarde un paysage un peu trop lointain, je m'y suis engagé à la suite de deux romans agréables et charmants, Suxanne et le Plaisir, de M. André Beaunier, et les Taupes de M. Francis de Miomandre.

Les pages ordinaires de M. Beaunier sont pour mon goût, et même pour ma raison, un peu réactionnaires et ses romans ingénieux m'apparaissent, dans le recul des souvenirs, bien iné- gaux. Je n'aime pas beaucoup sa manière de romancer l'histoire, et i'iWoH/g m'a fait froncer le sourcil. Mais depuis son Joubert aucun de ses livres ne m'a autant intéressé que celte Suzanne.

C'est un sujettrès neuf, comme tous ceux qui portent précisé- ment sur le plaisir (je ne dis pas, bien entendu, sur l'amour) M. Beaunier n'a eu qu'à ouvrir les yeux et à voir vivre le monde d'aujourd'hui pour cueillir et placer dans son roman, exquise-

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