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^94 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et russes qui l'ont précédé, ni des romanciers français qui ont succédé aux grands maîtres du naturalisme. Cependant avant de se prononcer sur cette question, il faudrait faire une recherche sérieuse des sources de chacune des nou- Yelles. Ce n'est^ qu'une hypothèse que je vous soumets. En tout cas, c'est avec nos naturalistes que le Joyce de ce premier ouvrage en prose a le plus d'affinités. Toutefois, il faudrait bien se garder de le considérer comme un natu- raliste attardé, comme un imitateur ou un vulgarisateur, en langue anglaise, des procédés de Flaubert, ou de Maupas- sant, ou du groupe de Médan. Ce serait aussi absurde que de voir en lui un pasticheur de Dowland et de Campion. Même l'épithète de néo-naturaliste ne lui conviendrait pas, car, alors, on serait tenté, sur une connaissance toute super- ficielle de son oeuvre, de le prendre pour un Zola ou un Huyscnans, ou encore pour un Jean Richepin aux audaces purement verbales. Car même en admettant qu'il est parti du naturalisme, on est bien obligé de reconnaître qu'il n'a pas tardé, non pas à s'affranchir de cette discipline, mais à la perfectionner et à l'assouplir à tel point que dans Ulysse on ne reconnaît plus l'influence du naturalisme et qu'on songerait plutôt à Rimbaud et à Lautréamont, que Joyce n'a pas lus.)

Le monde de Gens de Dublin est déjà le monde du Por- trait de r Artiste et d'Ulysse. C'est Dublm et ce sont des hommes et des femmes de DubHn. Leurs figures se détachent avec un grand relief sur le fond des rues, des places, du port et de la baie de Dublin. (Jamais peut-être l'atmosphère d'une ville n'a été mieux rendue, et dans cha- cune de ces nouvelles, les personnes qui connaissent Dublin retrouveront une quantité d'impressions qu'elles croyaient avoir oubliées.) Mais ce n'est pas la ville qui est le personnage principal, et le livre n'a pas d'unité : chaque nouvelle est isolée : c'est un portrait, ou un groupe., et ce sont des individualités bien marquées que Joyce se plaît à faire vivre. Nous en retrouverons du reste quelques-unes^

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