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l’égard de la vieille Mme Heuland et de son fils. C’était encore plus risible qu’odieux. On ne sait pas si, dans leur manoir, ces demoiselles de Pontaubault mangent autre chose que des choux et des pommes de terre ; peut-être un morceau de lard le dimanche. Mais quand elles s’étaient bien repues chez leur beau-frère, il fallait les voir échanger des clins d’yeux chaque fois qu’il prenait la parole. Pas ostensiblement, de peur de se faire remettre à leur place par Mme Heuland. Mais c’étaient des soupirs, des froncements de sourcils. Elles s’en croient parce qu’elles savent les dates des rois de France depuis Mérovée et elles n’ont pas manqué de me faire la leçon pour un imparfait du subjonctif. Mais à leurs dédains, on aurait cru que leur sœur avait épousé un bouvier. Remarquez que Mme Heuland est une charmante femme, beaucoup moins sotte que son milieu ; mais en somme elle a le goût des grands mots plus que l’esprit vraiment ouvert.

L’hostilité qu’il a ressentie pour M. de Pontaubault porte Vernois à l’indulgence envers ce qu’il sent de révolte sous ces commérages un peu trop sifflants.

— Je ne voudrais pas insinuer, poursuit l’institutrice, que toute femme soit pour quelque chose dans les infidélités de son mari ; mais enfin, d’après ce que vous me dites, il est vraisemblable qu’en quelque manière elle aura déçu le sien. Allons, donnez-moi raison. Je fais la part des hommes terriblement belle.

Vernois reprend :

— M. de Pontaubault ne cache pas qu’il voudrait voir sa nièce se remarier…

— Elle vous intéresse d’une manière incroyable !

— C’est Heuland qui m’intéresse. Elle, je ne l’ai jamais vue.

— Ce n’est pas une raison. Jusqu’à ce que ses fils soient majeurs, je pense qu’elle est un beau parti. Et puisque ce sont toujours les mêmes après qui l’on court, il n’y a pas de raison pour qu’elle ne vous plaise pas.