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à ses épaules les deux bras de l’enfant, qui s’est mis à genoux :

— C’est vrai, dites, c’est vrai ?

Par crainte d’avoir à s’expliquer davantage, Vernois demande :

— Pourquoi ne vous envoie-t-on pas au lycée ?

— Ils ne voudront jamais !

— L’as-tu demandé à ta mère ?

— Oh, elle dira comme Mademoiselle.

— Mais non, vu qu’avant tout elle désire que tu sois heureux.

Il est visible que, dans son fatalisme, le petit n’espère plus aucun secours et que même il ne distingue déjà plus bien nettement le visage maternel.

— Voyons, mon petit gars, si tu lui parlais bien résolument ?

Les bras d’Antoine se resserrent, sa tête se coule contre celle de Vernois et il lui murmure à l’oreille :

— Si vous lui parliez, vous !…

— Elle me dirait : « Vous devez vous tromper. Connaissez-vous donc mieux que moi le cœur de mon garçon ? » Ou bien elle me dirait encore : « Vous êtes ingénieur et non pas maître d’école ; occupez-vous de votre teinturerie, là-bas dans les Vosges, et de vos produits chimiques. »

La déception met un instant à faire son œuvre ; sous son poids, peu à peu, le nœud des bras se relâche. Mais inopinément une forte main s’abat sur la nuque de l’enfant, une autre pèse sur l’épaule de Vernois.

— Non, ne vous levez pas, dit M. de Pontaubault ; vous faites un tableau trop touchant.

Vernois saisit l’occasion :

— Il m’expliquait, mon général, qu’il en avait assez d’être élevé parmi des filles et qu’il travaillerait bien plus gaiement avec des camarades.

Il sent contre lui le petit corps traversé par la tempête de l’appréhension, puis, au premier mot de M. de Pontau-