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CHR0N1Q.UE DRAMATIQUE 483

Vous me direz que j'exagère, qu'AIceste est un a homme du monde » et qu'il ne peut commettre de ces actions > Si vous voulez. Il est en tout cas sans cesse dans l'iiumeur qui fait commettre ces actions. C'est cette humeur que je n'ai pas trou- vée dans le jeu de M. Jacques Copeau ni dans celui de M. Lucien Guitry. Ce dernier l'a pourtant montrée, pour sa part, à un moment, au deuxième acte, dans l'entretien d'Alceste avec Célimène, q^uand il éclate de voir qu'on ne peut jamais la trou- ver seule et lui parler en particulier. Je ne puis surtout admet- tre l'attitude de saule pleureur qu'ils lui donnent l'un et l'autre, au final de la pièce, quand ils le font partir chancelant de chagrin, la main sur ses yeux pour cacher ses larmes. Alceste souffre, il est tout déchiré, c'est entendu. La déception l'accable et il doit renoncer. Mais un homme coinme lui, de son caractère, à cause même de ses « défauts », est autrement fort. C'est en se dominant, avec mauvaise humeur et brusque- rie, en rageant encore et presque en claquant les portes qu'il doit partir, pour aller vivre en « sauvage ». Il pleurera peut- être tout à l'heure quand il sera seul. Maintenant, non.

Ce qui a été la perfection au Théâtre du Vieux-Colombier, c'est l'interprétation de tous les rôles de femmes. Mesdames Valentine Tessier, Blanche Albane et Suzanne Bing ont été absolument remarquables dans les rôles de Célimène, Arsinoé et Eliante. On ne peut pas mieux dire et je n'ai jamais entendu mieux dire, le plus naturellement du monde, avec toute la malice et la finesse féminines, le merveilleux dialogue entre Célimène et Arsinoé, que ne l'ont fait Mesdames Valentine Tes- sier et Blanche Albane.

Au Théâtre Edouard VII, la maîtrise de M. Lucien Guitry, — je pensais, en le voyant, comme il jouerait bien Tartuffe, — faisait un peu pâlir le jeu de ses partenaires. M. Paul Souday, en rendant hommage à leur bonne volonté tt à leurs jolies qualités de naturel, a fait, à ce propos, cette remarque que « le classique ne s'improvise pas ». Voilà bien le détestable état d'esprit auquel nous devons la manière si peu vivante dont on joue Molière, le manque de naturel et la convention qu'on y apporte. C'est, au contraire, comme si on improvisait qu'il faut le jouer et non avec ce ton de récitation et de leçon qu'on a si fâcheusement adoptés. M. Paul Souday entend sans doute

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