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582 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

M""' Heuland comment son mari la trompait. Tu lèves les épaules : mais je ne vois pas, en bonne logique, pourquoi tu t'arrêtes à mi-chemin. Tu as bien tâché de détruire chez ce pauvre diable la seule raison de fierté qu'il eût, le seul joint par lequel sa vie a pris contact avec quelque chose de désintéressé, sa seule vertu, qui est d'être fidèle.

— Et toi, dit Thomas, tu mets de l'acharnement à brouiller ce qui est clair, à confondre ce qui est distinct. Parce qu'un homme a été brave et bon camarade, tu l'im- poses comme inventeur et comme bon mari. Que signifie cet escamotage ? Ce que j'y vois le moins, c'est cette justice dont tu parles sans cesse.

Vernois se radoucit :

— Ah, vieux, il est bien vrai que j'ai toujours ce mot à la bouche. C'est ce que vous m'avez le mieux appris, père et toi. Nous avons cela dans le sang. Rappelle-toi les scru- pules de père, forcé de rédiger une note défavorable sur un de ses gardes et ne pouvant se résoudre à l'envoyer parce qu'il avait cet homme en aversion. Et quel garçon un peu sensible à la générosité n'aurait pas été gagné par cette manière que tu as de faire beau jeu à l'adversaire, d'aller au devant de ses arguments, non pas en attitude de dé- fense, mais comme s'ils pouvaient t'apporter des parties de vérité qui te manquaient. Car tu as souci d'être équitable jusqu'à te montrer moins exigeant pour les preuves du contradicteur que pour les tiennes. Oui, vieux, ce sont là des luxes dont il a fallu lestement se déshabituer, des luxes qui supposent la paix jusqu'aux confins du monde.

Thomas secoue la tête :

— Les seuls, veux-tu dire, qui puissent rétablir la paix du monde.

— Mais puisqu'il faut, continue Vernois, un luxe dans la vie de chacun, laisse-moi celui qui a toujours été le seul embellissement de la guerre, une sorte d'héroïsme dans la

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