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NOTES 627

pieds au-dessus des hommes, son climat intellectuel ? Marqué par un destin intérieur il devait n'être que l'écrivain représen- tatif de sa génération, celle du quart de siècle qui a précédé 19 14. Que l'on ait songé, pour son soixantième anniversaire (qui tombe en novembre 1922), à faire de lui un Président de la République allemande, il y a là une ironie qui échappe à ses admirateurs. La couronne serait dérisoire qu'ils apporteraient ainsi à une vie passée à « représenter » au lieu d'être soi. Mieux vaut lui laisser l'espèce de grandeur qu'elle a, qui tient, autant qu'à ce qu'on y trouve de réussi, a ce qu'on y découvre de raté, raté par la force de l'atmosphère allemande d'alors, dont les courants entraînaient à ras de terre les isolés, sans qu'aucun fût assez fort pour poser son moi en face d'eux et leur imprimer sa direction.

Gerhart Hauptmann ne cessa guère d'être l'inconsciente victime des suggestions d'une fausse grandeur. Il faut se souvenir de ce personnage de son Atlanlis, s'émerveiilant de l'énormité du paquebot que l'Allemagne lance sur l'Océan : devant les perspectives romantiques qu'entr'ou- vrait la lutte du géant contre les éléments, l'imagination échauffée de l'auteur voyait pâlir toute poésie. Ce prix attaché aux proportions de la matière, aux réalisations de la technique, ce dédain des pures conceptions de l'esprit, dont Hauptmann oubliait parfois que sans leviers, sans machines, il modifie lui aussi la vie, l'esprit et la vie s'en sont vengés. Son Loth, le marxiste, le darwlnlste de Vor Sonnenaufgaug, a pu froidement, durement, renoncer à épouser Hélène qui l'aimait, parce qu'elle ne lui eût pas donné des enfants conçus selon la doctrine de la sélection naturelle. En la repoussant ce n'en est pas moins k vie tout entière qu'il a rejetée, alors qu'elle s'offrait à lui, qu'elle réclamait une étreinte spontanée. Le coup de couteau qu'il pousse Hélène à se porter, par préjugé, par subordination aux Idées régnantes, Hauptmann lui-même a continué de le ressentir dans sa chair.

Ayant tranché le lien qui attache l'homme à la vie profonde, ne tenant plus qu'à ce qu'on appelait autour de lui * civilisa- tion », qui n'était qu'un accident du devenir et qu'on prenait pour la fin de ce devenir. Il s'est trouvé ne pouvoir plus conce- voir nettement le monde sous d'autres espèces que celles de la

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