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— Pourquoi avez-vous pensé que j’étais fâché ? demanda-t-il rapidement. Tikhon voulut parler, mais il l’interrompit, saisi d’une émotion incompréhensible :

— Pourquoi assez-vous supposé que j’étais nécessairement fâché ? Oui, j’étais irrité, vous avez raison, et justement parce que je vous avais dit que je vous aimais. Vous avez raison. Mais vous êtes un cynique grossier. Vous avez une opinion trop basse de la nature humaine. Cette colère aurait pu ne pas s’éveiller si vous aviez eu à faire à un autre que moi… D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un homme quelconque, mais de moi. Et, tout de même, vous êtes un original, un innocent.

… Il s’excitait de plus en plus et, chose étrange, n’avait plus de retenue dans ses paroles.

— Ecoutez bien, je n’aime pas les psychologues, et les espions, ceux d’entre eux, au moins, qui veulent s’introduire dans mon âme. Je n’appelle personne, je n’ai besoin de personne, je m’arrangerai tout seul. Croyez-vous que j’aie peur de vous ? — Il éleva la voix et releva la tête en un mouvement de défi. — Vous êtes tout à fait certain que je suis venu vous confesser un terrible secret et vous l’attendez avec toute la curiosité monastique dont vous êtes capable. Eh bien, sachez que je ne vous découvrirai rien, aucun secret, parce que je n’ai nul besoin de vous.

Tikhon le regarda fermement.

— Vous avez été frappé de voir que l’Agneau préfère les froids aux tièdes, dit-il, vous ne voulez pas être tiède. Je sens qu’une décision extraordinaire, horrible peut-être, s’empare de vous. Si c’est ainsi, je vous en supplie, ne vous tourmentez plus et dites tout ce dont vous étiez plein eu venant.

— Et vous êtes sûr que je suis venu avec quelque chose ?

— Je l’ai deviné… d’après votre visage, murmura Tikhon, les yeux baissés. Nicolaï Vsièvolodovitch était un peu pâle, ses mains tremblaient légèrement. Pendant