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704 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

soleil de mars, l'échelonnement à perte de vue des collines en friche, la majesté du lieu endort un instant l'angoisse de Clymène.

— Comme l'herbe a poussé, murmure-r-elle. Il y a un an, l'endroit était encore si terrible.

— Nous allons vers ce mamelon, là-bas, dit Vernois. Nos lignes le coupaient par le milieu. Il s'agissait de les pousser jusqu'au commencement de la déclivité, même pas jusqu'à ce rocher que vous voyez d'ici ; deux cents mètres à peine. Ah, que cela paraît maintenant peu de chose ! Prenons par ce sentier qu'on a taillé dans les réseaux.

Elle le remercie d'un regard encore plein de la crainte qu'elle n'osait avouer :

— Alors nous ne serons pas forcés de suivre la tranchée ? Elle était déjà presque obstruée quand mon oncle m'y a conduite... Au retour nous nous sommes perdus...

Ce qu'elle ne dit pas mais qu'il sait par M. de Pontau- bault, c'est que, dans un couloir, il a fallu franchir un éboulement d'où émergeaient deux chaussures, et qu'au retour, voulant lui épargner de passer par le même endroit, c'est à grand'peine que le général l'a ramenée jusqu'à la route avant la chute du jour. Vernois la rassure : les Jaunes ont minutieusement battu la zone de combat ; d'ailleurs il a lui-même reconnu le chemin. Et marchant le premier, signalant les obstacles, les mauvais pas, il s'en- gage dans le maquis des piquets, des cerceaux et des chevaux de frise. Mais le souci que ses compagnons ne se blessent dans les détours des chicanes ne le distrait pas de l'évocation vers laquelle tout son esprit est tendu.

— Que de fois j'ai surpris Heuland à contempler cette vallée, du seuil de son gourbi, au coucher du soleil, ou le matin, quand la rivière commençait à luire dans la brume. Car il était sensible à la nature, plus qu'il ne le savait lui- même. Devant le spectacle de cet horizon, il nous arrivait d'oublier les ennuis ou l'insécurité du secteur; et pourtant

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