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728 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas rom.mtique. Les écrivains romantiques ont été fournis par les pays du nord de la Loire. Le génie de Victor Hugo, métal de Corinthe du romantisme, n'est pas une synthèse du Nord et du Midi, mais, Lorrain et Vendéen, une synthèse de l'Est et de rOuest. Certes la Renaissance provençale du xix^ siècle peut être considérée comme un contre-coup du romantisme : le romantisme, en restaurant la poésie dans la langue française, l'a restaurée dans toute l'âme française, et la langue d'oc en a pro- fité. Mais la poésie des Félibres ne subit à peu près aucune influence livresque romantique. Mistral est resté aussi étranger à Hugo, à Vigny, à Baudelaire, qu'il put l'être à Nietzsche et à Edgar Poe. Son culte pour Lamartine n'implique aucune inspi- ration laraartinienne. Rien dans Mireille ne rappelle Jocelyn. Et l'analogie dt Mireille cXà'Herjfiann et Dorothée, si instructive, s'explique par ce fait que les deux poèmes sont pareillement construits en dehors du romantisme, à une époque romantique, mais consciemment chez Gœthe qui traite le romantisme en adversaire qu'il porte en lui, et par prétérition chez Mistral, qui se contente d'ignorer superbement le romantisme.

M. Daudet nous apporte sur cette prétérition des remarques fort intéressantes et justes : « D'un petit épisode, il faisait jaillir un enseignement général, sans appuyer, complétant sa démons- tration d'un sourire, ou d'un rire léger, qui lui plissait le coin de l'œil, demandant à celui-ci et celui-là une explication com- plémentaire, prenant à témoin sa femme, la servante, son inter- locuteur, un personnage légendaire et historique, et demeurant grand amateur de précision... L'homme du Midi a horreur du vague, et, quand il aborde le mystère, il le fait méticuleuse- ment. Rien d'abrupt dans les fresques majestueuses de Mireille, de Nerte, de Caleudal. Le Poème du Rhôue est un itinéraire dra- matique à travers les âges et le long du fleuve de la civilisation. » Le « fleuve de la civilisation » manque peut-être un peu de mesure. Un Méridional, quand il dit cela, entend bien que la civi- lisation a remonté ce fleuve, qu'elle ne l'a jamais descendu. Et pour M. Carrère, la véritable épopée mistralienne, c'est la troi- sième conquête, après César et Numa Roumestan, de la Gaule par les Latins : « En réalité, s'écrie-t-il dans l'épilogue de ses Mauvais Maîtres, l'esprit classique, dans tout ce qu'il comporte de lumière, de sérénité, de force, d'allégresse heureuse et d'ins-

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