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760 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

LE COURRIER DES MUSES.

Le mois dernier, le grand événement de la vie littéraire pari- sienne a été gastronomique. Je me suis quelque peu occupé de cuisine et à une certaine époque de ma vie, je travaillais à des livres culinaires, sans aucun enthousiasme d'ailleurs et sans connaître beaucoup ce dont j'écrivais. Le lecteur est prié d'excu- ser ces souvenirs évoqués à propos du dîner d'inauguration du Restaurant du Vieux-Colombier. La direction avait convié la troupe du Théâtre, quelques représentants du Club des Cent venus pour apprécier la qualité des mets et quelques amis choi- sis. La soirée fut charmante. On but des vins excellents. La jeu- nesse, la beauté, l'esprit étaient réunis autour des tables jonchées de fleurs. On prononça des discours entre lesquels il faut signa- ler celui de M. J.-L. Duplan qui, venant de courre le sanglier à Rambouillet, arriva en costume de chasse, au saut de l'étrier :

— La cuisine ici sera sincère, dit M. J.-L. Duplan, et, reprenant le mot de M. Paul Poiret : « Ici, on ne mangera pas des fauteuils Louis XV ! » Un phonographe joua des airs américains. Les danses de caractère de MM. Dunoyer de Segonzac et Boussin- gault furent particulièrement remarquées. On chanta des romances :

Mignonne, quand le soir descendra sur la terre Et que h rossignol viendra chanter encor...

Vers onze heures, quelques-uns des convives avaient perdu la raison. Les comédiens du théâtre qui jouaient ce soir-là, revenaient, fardés, costumés, boire un verre de Champagne entre deux actes, entre deux scènes. Une étrange animation régna dans la paisible rue du Vieux-Colombier durant toute cette soi- rée qui fut moins brève que la nuit et qui s'acheva quand les étoiles pâlirent et s'effacèrent devant un jour gris et rose.

  • *

« Un Français n'eût pas fait Adolphe », écrit M.""^ Gyp dont le cœur de Française s'émeut et reproche à M. Binet-Valmer d'écrire un français de cuisine — tandis qu'elle, M"'^ Gyp, on cherche- rait vainement à charger sa conscience d'écrivain d'une seule faute de français ! « Un Français n'eût pas fait Adolphe. » Hélas !

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