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��UNE BELLE VUE I.

L'aube de ce brumeux matin de décembre ne se décidait point à devenir franchement le jour. La lampe à huile posée sur le bureau-ministre baignait encore de sa lueur livres et cahiers épars. Neuf heures venaient de tinter à la pendule, et mon père achevait de nous distribuer, à ma sœur Marguerite et à moi, les leçons de la journée, lorsqu'un doigt brutal toqua la porte.

Mon père cria :

— Entrez !

Et, dans une bouffée d'air froid, l'on vit apparaître, en manches de chemise et luisant de sueur, Auternaud, l'homme de peine, dont le crâne et les épaules rasaient les trois bords du chambranle.

— Monsieur ! c'est pour le cabinet !

— Ah !

Mon père paraissait surpris, comme s'il eût ignoré que ce samedi-là, le dernier samedi du mois, était de fondation le jour du " grand nettoyage. " Le vacarme qui, depuis plus d'une heure, le faisait sursauter et gri- macer, avait dû pourtant lui rafraîchir la mémoire.

Il se leva, tandis que nous ramassions nos livres, pro- mena tout autour de lui un sourire amer, comme s'il prenait à jamais congé de sa bibliothèque, de ses car-

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