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qua. Les premières terres cultivées, ce sont les terres les plus faciles, cultivables le plus commodément — et c’est-à-dire non les plus riches, mais les plus pauvres au contraire, qu’il atteint aussitôt, et qui, durant longtemps, pourront suffire à ses besoins. Ce sont les terres des hauts plateaux (je songe à votre " haute littérature ") au sol sans grande profondeur, à la végétation naturelle assez raréfiée et dont le soc (ou le style) aura facilement raison.

Les autres terres, les terres riches, les terres basses, il ne les considérera que plus tard. Longtemps elles resteront comme en marge de la culture, " barbares " et méconnues. Le civilisé ne s’avisera que lentement de leur promesse ; si par fortune il s’aventure sur elles ce sera d’abord pour n’y voir qu’incommodité, que danger. " La terre la plus riche, dit Carey, est la terreur du premier émigrant."


Qu’est-ce qu’une terre fertile ? C’est une terre qui, à l’état de nature, est envahie par une végétation exubérante qu’il faut défricher, ou qui, terre d’alluvions, doit être conquise sur les eaux.^ " Forêts luxuriantes et ténébreuses, où l’enchevêtrement des ramures lasse la marche du pionnier; terres peuplées d’animaux sournois et féroces ; terres marécageuses, mouvantes, aux exhalaisons délétères.... ces terres inespérément fécondes sont les dernières exploitées. Longtemps l’homme reculera devant les

Ch. Gide : Histoire des doctrines économiques.