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UNE BELLE VUE 3O3

voisin ni s'en donner les apparences. Il s'imaginait qu'un exposé loyal de la situation suffirait à convaincre les gens de là-haut. Et il s'écria finalement en dépliant un journal:

— Comment diable ne tomberait-on pas d'accord lorsqu'on est de bonne foi de part et d'autre !

Pareille façon de raisonner décourageait toute envie de discussion. Maman se tut, mais le navrement de ses beaux yeux d'un bleu de lin avait une suffisante éloquence.

Pendant la saison chaude, M. et Mme Davèzieux faisaient salon sous le quinconce qui s'étendait à gauche de leur maison. Ce salon d'été était bordé par une pelouse, laquelle contenait à elle seule presque autant de fleurs que les serres de Longval, du vivant de mon grand- père. Les massifs énormes se touchaient presque les uns les autres, et chacun d'eux réunissait par rang de taille et variété de couleur toute une collection de plantes. Fuch- sias, pelargoniums, bégonias, hortensias, dahlias, arums, que sais-je ! Et, comme si le gazon n'eût pas été suffisam- ment chargé, on y voyait en outre une grosse boule de verre argenté, un carlin de faïence, une grenouille géante, une famille de lapins en terre cuite. La terrasse, couverte de gravier, était meublée de sièges élastiques, d'une guérite, souvenir des bains de mer, d'une table ronde percée de trous comme une écumoire, au milieu de laquelle se dressait un parasol à raies rouges, et d'une longue-vue dont le tube de cuivre étincelait.

C'est là que fort émus, et accablés par une température exceptionnellement lourde, nous fûmes accueillis par les jappements de Criquette et reçus avec force embarras. Nos voisins ignoraient la simplicité. Mes parents et eux n'étaient pas de la même étoffe, et l'on comprenait que la

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