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leur suite entière pour dégager l’impression. On croirait que l’auteur s’est dit : “ Méfions-nous ! la facilité nous guette ; je me laisse aller à plaire ; je suis sur le point d’inventer, de poétiser, d’embellir ! ” Et dans son scrupule, il s’attache à la glèbe, il serre sa matière de plus près. Nous reparlant de la vieille Honorine, il précise tout ce que le Vigneron indiquait à peine : les petites misères physiques et morales, la saleté, le mensonge, les détails mesquins ou répugnants. Le chapitre le plus neuf, et le plus réussi peut-être : La tribu des Grillot, est aussi le plus nettement réaliste. Sans doute la poésie ne manque point : voyez les Feuilles d’Automne ; mais elle se rassemble en trois lignes, pénétrante et concentrée.

Ce regain d’ascétisme nous laisse quelques regrets : Nourri comme il est des sucs de la terre, Jules Renard pourrait impunément se livrer davantage, se permettre plus de liberté lyrique. Mais il faut qu’il le fasse à son heure, en toute sûreté de conscience. Prenons les fruits qu’il nous donne, attendons les autres sans impatience ; nous ne serons point déçus.

M. A.
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PIERRE HAMP : La Peine des Hommes.

Les Cahiers de la Quinzaine, ouvraient leur série de cette année par le volume d’un nouveau venu : Dix contes écrits dans le Nord par Pierre Hamp. C’étaient de brefs récits d’un bondissement si sauvage et si calculé, d’un ton si âpre, qu’en vain on eût cherché, dans notre littérature contemporaine, un équivalent à cette violente manière de conter. Ces histoires de contrebandiers, de portefaix, de coqueleux révélaient un sentiment singulier du pathétique et une sorte de férocité dans le raccourci. Mais elles ne se bornaient pas à étourdir par la rapidité et par l’éclat de la couleur. Vite on s’apercevait que l’émotion avait des sources plus profondes et qu’elle restait la même, qu’il s’agît des frasques de “ la plus grande canaille de la terre ” ou de la modeste aventure d’un ouvrier en maroquinerie qui, congédié par ses patrons, s’établissait pour son