jardin, je me sentis saisir par le bras. Juliette était là, à demi-cachée dans l’embrasure, enveloppée par le rideau.
— Allons dans le jardin d’hiver, dit-elle précipitamment. Il faut que je te parle. Va de ton côté ; je t’y retrouve aussitôt. — Puis entr’ouvrant un instant la porte, elle s’enfuit dans le jardin.
Que s’était-il passé ? J’aurais voulu revoir Abel. Qu’avait-il dit ? Qu’avait-il fait ?… Revenant vers le vestibule, je gagnai la serre où Juliette m’attendait.
Elle avait le visage en feu ; le froncement nerveux de ses sourcils donnait à son regard une expression dure et douloureuse ; ses yeux luisaient comme si elle eût eu la fièvre ; sa voix même semblait rêche et crispée. Une sorte de fureur l’exaltait, et, malgré mon inquiétude, je fus étonné, presque gêné par sa beauté. Nous étions seuls.
— Alissa t’a parlé ? me demanda-t-elle aussitôt.
— Deux mots à peine : je suis rentré très tard.
— Tu sais qu’elle veut que je me marie avant elle ?
— Oui.
Elle me regardait fixement…
— Et tu sais qui elle veut que j’épouse ? Je restai sans répondre.
— Toi, reprit-elle dans un cri.
— Mais c’est de la folie !
— N’est-ce pas ! — Il y avait à la fois du désespoir et du triomphe dans sa voix. Elle se redressa ou plutôt se rejeta toute en arrière…
— Maintenant je sais ce qui me reste à faire, ajouta-telle confusément en ouvrant la porte du jardin qu’elle referma violemment derrière elle.