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LA PORTE ÉTROITE
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Quinze jours environ après ce mariage, voici ce que m’écrivit Alissa :

« Mon cher Jérôme,

Juge de ma stupeur hier, en ouvrant au hasard le joli Racine que tu m’as donné, d’y retrouver les quatre vers de ton ancienne petite image de Noël, que je garde depuis bientôt dix ans dans ma Bible.

Quel charme vainqueur du monde
Vers Dieu m’élève aujourd’hui ?
Malheureux l’homme qui fonde
Sur les hommes son appui !

Je les croyais extraits d’une paraphrase de Corneille et V avoue que je ne les trouvais pas merveilleux. Mais continuant la lecture du IV me Cantique spirituel, je tombe sur des strophes tellement belles que je ne puis me retenir de te les copier. Sans doute tu les connais déjà, si j’en juge d’après les indiscrètes initiales que tu as mises eu marge du volume (j’avais pris l’habitude en effet de semer mes livres et ceux d’Alissa de la première lettre de son nom, en regard de chacun des passages que j’aimais et voulais lui faire connaître.) N’importe, c’est pour mon plaisir que je les transcris. J’étais un peu vexée d’abord de voir que tu m’offrais ce que j’avais cru découvrir ; puis ce vilain sentiment a cédé devant ma joie de penser que tu les aimais comme moi. En les copiant il me semble que je les relis avec loi.

De la sagesse immortelle
La voix tonne et nous instruit.
« Enfants des hommes, dit-elle,
De vos soins quel est le fruit !
Par quelle erreur, âmes vaines,
Du plus pur sang de vos veines