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SUR LA TERRASSE DE LECTOURE

pourpre fumante d’une ville incendiée et mise au pillage. Mais je ne veux retenir et aimer d’elle que l’empreinte, en quelque sorte, abstraite, de sa séculaire structure, et la magnifique impulsion qu’elle peut imprimer à de jeunes gallo-romains enclins à former la conduite de leur âme sur les monuments de leur histoire et de leur race.

Lectoure tendit toutes ses forces et toute son activité à la conquête et à la sauvegarde de ses libertés. J’admire quelle prudence calculée et cependant loyale préside à la transaction de son indépendance lorsque le fardeau lui en devient trop lourd. Elle ne s’accomoda jamais du joug féodal ; sous le régime de ses évêques ou des vicomtes de Lomagne, elle n’abandonna point la direction des affaires communales. Et parmi ses plus beaux titres de gloire, je compte au premier rang l’orgueil mal fondé, mais indestructible, qu’elle déploie, de vouloir être colonie romaine. Tant d’autres villes se réclament d’un fondateur mythique, estimant que leur naissance n’est point assez fabuleuse ni retirée. Celle-ci, à toute force, et malgré qu’on en ait, s’entête à dater de Rome. Rien n’est plus émouvant ni plus noble que ce parti pris de contredire même l’évidence historique. Et puisqu’elle se décrète implantée dans le sol aquitain par les légions de César, j’accepte et je reconnais pour vérité la prétention d’où elle ne s’est jamais départie de mettre à tout prix jusque