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SUITE AU RÉCIT ... 363

mots A r hôpital] A Phopital! vers un grande charrette de foin où les gardes du lieutenant de police faisaient monter des filles. — " On leur coupera les cheveux me dit une poissarde, on les mariera avec des voleurs et ils s'en iront peupler au Canada ! " Cet expédient était le même que Law employait pour livrer des colons à l'Amérique. Je ne pus l'entendre sans frémir. — " Ah ! Dieu ! pensai-je, c'est donc là que j'irai ! C'est donc là ! Et toutes ces malheureuses j viendront avec moi ! " J'avisai sur la paille une jeune fille de l'air de Manon, enchaînée à la suite des autres et qui gémissait. Sa vue me fendit l'âme. Je tentai d'approcher pour la consoler ; mais les gardes levèrent vers moi le bout de leurs fusils. — " Au moins, dis-je, portez-lui cela de ma part." Je leur donnai dix pistoles dont ils gardèrent bien la moitié et lui jetèrent le reste. La prisonnière me remercia d'un regard baigné de pleurs. La poissarde me dit : — " Voilà un jeune homme généreux!" Mais je me hâtai de fuir autant par la douleur qu'un si dur spectacle éveillait en moi que dans la crainte de me laisser aller, par mon intervention, à quelque nouvelle action irréparable.

Mon soldat avait son quartier du côté du Temple. Je le vis qui arrivait à peu près en même temps que moi, mais par une autre rue. Deux ou trois mauvais drôles, marchaient sur ses talons. — "Voilà de nouvelles recrues, me dit-il en me saluant d'un petit air d'ami ; je les ai faites au Pont-neuf ; et c'est le meilleur endroit pour les gens qui ont faim."

Nous entrâmes en petite troupe au quartier. — " Je savais, dit le sergent, que vous reviendriez à moi ". — " Je n'ai pu, répondis-je en feignant toute la vérité, demeurer

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