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LA CAPTIVE DES BORROMEES 527

limites qu'il est dangereux de dépasser. Mais le ton d'innocence et de sincérité sur lequel il me confirma sa communication me fit juger que peut-être je l'accusais un peu promptement. — Ma foi, fîs-je à part moi, au point où j'en suis, il ne peut m'advenir pire déconvenue que celle de tout-à-l'heure : allons donc vérifier de quoi il retourne... — Et sans plus demander d'éclaircissements, comme si la chose m'eût paru toute naturelle, je gagnai l'appartement en question. Il me parut bientôt que je n'avais pas à regretter ma curiosité : à peine en effet eussé-je poussé la porte, je me trouvai en présence d'une jeune femme que je ne connaissais point à la vérité, mais gracieuse, fraîche et faite à ravir, la plus jolie bouche du monde et des yeux à faire tourner les têtes les mieux assurées ; par dessus tout, je remarquai ses admi- rables cheveux blonds qui dès l'abord me firent souvenir de la toison ardente et légère que Délia au bain m'avait montrée. Cependant, m'étant incliné devant elle, je lui marquai que je serais heureux qu'elle voulût bien me faire connaître en quoi je pourrais avoir le plaisir de lui être utile. — Eh quoi, fit-elle aussitôt, avez-vous douté que mon premier soin en me trouvant libre serait de vous remercier de tout ce que je vous dois ! — L'intrigue pour le coup me parut manifeste. La moutarde me monta au nez ; je me contins néanmoins et de l'air le plus froid lui repartis que si j'avais pu être assez simple pour m'intéres- ser au sort de certaines personnes qu'on se fût imaginé malheureuses, cette folie-là, Dieu merci, était bien passée, et tournant les talons, raide comme piquet, je me dirigeai vers la porte. Mais la jeune femme vivement m'y devança et me barrant le passage de ses bras, l'air à la fois interdit

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