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l66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Rodrigue est condamné à tuer le père de Chimène, ce n'est pas contraint par une force matérielle, par le bourreau, ou par les gens du roi, mais bien par le sentiment d'honneur qu'il porte en lui. Si Titus est forcé de quitter Bérénice, ce n'est pas la faim, ce n'est pas même l'émeute ou la menace de mort qui l'y obligent ; c'est sa conception de sa propre grandeur et de celle de Rome. Si au contraire dans les Corbeaux Marie Vigneron est réduite à l'affreux mariage qui nous jette dans la consternation, c'est une immolation que couvre mal un bien frêle consentement. Ce n'est pas le courage d'une jeune fille qui triomphe, fût-ce dans la défaite, c'est simplement le crime de quelques forbans qui réussit. Or pour rendre acceptable cette sorte d'émotion étouffante et noire, il faut tout le génie d'un extraordinaire dramaturge. Le facile op- timisme auquel les scènes des Boulevards retour- nent depuis quelques années prouve que dans les drames de production courante une telle cruauté est intolérable.

Jean Schlumberger.

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