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LA MÈRE ET l'eNFANT ICJ

C'est très bien ainsi. C'est ce qu'admirera tout lecteur de l'édition majeure. Mais, pour Philippe, ce n'est pas encore assez bien. Par une inspiration géniale, il com- prend tout ce que ce livre de lutte, ce livre amer gagnera à être amputé de ses parties heureuses. Tout ce qu'il y a de populaire, de chrétien et de français chez Philippe regimbe contre le bonheur. Il lui mesure chichement la place dans son art comme dans sa vie. Philippe qui portait en lui la grande figure de Jean Morentin, l'Ennemi du bonheur ; Philippe qui aimait Racine dont les drames ne durent qu'un jour et ne laisse nulle place au repos, coupe d'une main ferme tous les chapitres fades de son livre : il en garde quatre actes héroïques, quatre actes de lutte contre les forces enne- mies : la mort, la maladie, la prison, la faim. A chaque acte, la lutte devient plus pénible, et toujours elle se termine, sans trompettes ni fanfares, par une victoire. Le petit héros, prêt à une nouvelle attaque, s'essuie le front. Mais il sait que son repos ne nous intéresse pas.

Ceux d'entre les lecteurs et les amis de Philippe qui préfèrent à l'œuvre d'art la vie telle quelle préféreront l'édition nouvelle qu'ils doivent aux soins pieux d'André Gide, Et les autres, en relisant le texte choisi par Philippe, apprendront de lui comment naît une œuvre d'art.

Marcel Ray.

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