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436 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

revient au galop, la mine rayonnante. Il a vu, il a touché son champ, il en a pour une heure, ensuite, à en parler... Un amas de blocs rompus, comme délités par le feu du soleil, fait une sorte de butte roussâtre devant nous. La piste y grimpe. Au sommet, il y a un arbre, un gros figuier sauvage, au tronc noueux, stérile, mais qui verse une ombre opaque sur les herbes. Je m'arrête, et dans cette ombre, plonge mes mains, mon visage, comme si c'était une source. Pour mieux me désaltérer, je m'y enfonce enfin tout entier. De là haut, pour la dernière fois, je considère Addis-Abeba : ce n'est plus, aux confins de la plaine pelée et lumineuse, qu'une confuse étendue de verdures noires, une masse serrée et profonde, posée comme une île dans le creux de l'horizon et où l'on devine moins qu'on aperçoit, parmi les eucalyptus, la tache claire de quelques murailles et sur la colline du Guebbi, le petit pavillon blanc où Ménélik achève de mourir. Quelques pas de l'autre côté et derrière les blocs rocheux dont nous dévalons, tout a disparu.

Sans mot dire, un de mes hommes me désigne un bouquet de misérables mimosas isolés, au pied des pre- miers contrefort de l'Errer qui, rapproché, accru, magni- fique, se dresse en face de nous. C'est là qu'à 2 heures, nous faisons halte. L'endroit est dénué, ingrat, mais de l'eau jaillit d'un trou à fleur de terre : en vain, nous en chercherions plus loin ; il faut bien camper ici. Du reste, je suis éreinté et les mulets ne valent guère mieux. Assis sur ma selle, je les voir de loin clopiner, se débander, mal ralliés par les nagadis qui traînent la jambe. A mesure qu'ils rejoignent, à côté des chevaux qui broutent, ils s'arrêtent, fourbus, le poil poissé d'écume, la chair faisant

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