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448 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

avec la troupe, quand celle-ci développe devant elle ses dispositions automatiques. Car c'est l'harmonie jetée dans le tumulte. Comme une danse grave, réglée, implacable et sourdement meurtrière, que danseraient, entourés du plus solennel des silences, mille hommes animés d'une passion unique. Jamais ballet n'a su atteindre à la beauté virile de l'école de régiment.

La police a le désordre de la foule, elle n'a pas sa grandeur ; elle se moule à sa surface et cogne. Le peuple la hait. La cavalerie porte le désarroi en elle ; les sabots font peur, et ces grands diables allongés de lattes vous regardent de bien haut. Mais qu'un cheval s'abatte ou se cabre, c'en est fait du prestige. Elle épouvante et on s'en moque. Alors l'infanterie vient et prend ses formations rectilignes ; c'est la force contre laquelle rien ne peut ; elle arrive, et dès ce moment elle est l'idéal de l'émeute. L'infanterie n'est pas une puissance composée d'individus avec lesquels on va avoir à faire, face à face, homme contre homme. Sa discipline méthodique en fait un maître qui vaut par la seule présence d'une âme de masse ; elle n'a pas de visage ; elle tient à distance ; ses gestes sont irréparables.

C'est pourquoi il est mauvais d'introduire sans raison une troupe en armes dans le tissu lâche d'une foule. La fouie a l'épiderme chatouilleux au maniement des Lebel et aux sonorités trop précises des baïonnettes. Le lieute- nant à lorgnon le savait bien. Il eût donné un mois de solde pour être à cent lieues de ce quai.

Le peloton se porta, en fendant la cohue, devant une baie qu'on ouvrit. Les sous-officiers se disposèrent en

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