Page:NRF 6.djvu/472

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

466 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

périence furent tout à fait selon le cœur du lieutenant, car il fît faire à sa jument un temps de galop, pendant lequel son ombre, mouillée de rosée, sautait sans s'émou- voir les fossés et les talus creusés par le génie.

La section se mit à bruire comme une porte de ruche. Quand il fut parvenu à une ligne d'arbres qui coupait le plateau, il se retourna et fit quelques gestes. Il y eut du flottement au sujet de leur signification. Le rôtisseur émit l'avis que c'était la pose. Le sergent Morice, qui était commis principal dans une administration, prit sa voix de tête et cria : " Couchez-vous ! " pendant que Walter, en haussant les épaules, grognait :

— Voilà le pas gymnastique, maintenant !

— Bon pour crever !

répondait Orillard qui pensa tout à coup à son épicerie et à la fraîcheur pimentée qui y régnait.

— Silence, bon Dieu !

gargouilla à mi-voix un caporal froussard.

— Ça y est ! pas gymnastique !

commanda un des sous-officiers à la suite d'un violent eflfort de mémoire dans la direction de sa théorie.

La section s'ébranla après un remous. La terre travail- lée par les fourmis, dallée d'aiguilles de pin et craquelée par la sécheresse de l'été, roula comme une tôle, laissant supposer qu'une brigade fantôme s'ébranlait de son côté, et les suivait par là-dessous, la tête en bas, et les pieds contre l'envers du sol. Des dents de scie se dessinèrent sur le front. Le lieutenant s'en venait maintenant à leur rencontre, au petit trot ; quand il fut à leur hauteur, il commanda un demi-tour qui ne s'opéra pas sans confusion ni dommage pour les fusils, au travers du pas de course,

�� �