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692 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

noir velouté. An heures, nouvel arrêt. D'ailleurs, il n'y a pas plus d'eau ici que là-bas. Mais du geste de l'homme qui en a assez, le maître nagadi jette son chapeau à terre, et incontinent, l'on commence à décharger les bêtes.

  • ' Le Kassam, m'explique paisiblement Djamma, n'est

qu'à deux heures de marche, les mulets auront donc tout le temps d'aller y boire et de revenir avant la nuit." Tandis que les hommes montent la tente, j'observe du coin de l'oeil le petit chankalla qui, ayant rejeté sa perche de roseau, s'est assis sur une caisse : avec un mince couteau qu'il a tiré d'une gaîne de cuir vert pendue à sa ceinture, il s'occupe d'extirper les épines que la marche sous bois a enfoncées dans ses pieds nus. Sous mon regard, il détourne la tête, sourit et va s'installer un peu plus loin. — Troupe de femmes qui, tout de suite, viennent nous offrir de l'orge, de la farine de lin, des œufs et de l'eau. C'est celle-ci qui donne lieu aux pires contestations. Au prix qu'on lui fait, Djamma est pris de fureur ; il lui faut bien céder pourtant, mais mon tub aujourd'hui coûtera six sous, presque le tarif d'un hôtel qui se respecte. Horri- ble négresse lippue parmi ces Abyssines. Le poil gris, une dizaine de colliers de verroterie pendant sur sa poitrine nue et vidée, elle a les lobes des oreilles démesurément distendus par deux disques de bois, du diamètre d'un écu, qui y sont logés et que je lui fais enlever pour voir la place qu'ils tiennent et le trou qu'ils laissent.

A peine la tente est-elle debout et comme déjà je m'ap- prête au repos, on m'amène un de mes hommes qu'un écart de sa bête a jeté, ce matin, tête en avant sur un tronc d'arbre. Il a le front enflé jusqu'aux sourcils, une déchirure saignante fend la chair de sa tempe brune. Le verre

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