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852 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

délicats et les plus nobles, une ligne exquise de long calice, un port d'anémone et de candide iris. Et sa chair, parce qu'elle est voilée, est celle que l'on désire.

Ce sont les neuf Muses, je pense, toutes musi- ciennes pour leur plus cher délassement, toutes reines autour de leur sœur aînée à l'orgue. Elé- gantes à l'égal d'une chanson à neuf strophes parfaites, il n'y a point de mièvrerie en elles, ni même de mélancolie. Leur grâce est simple, leur grâce est forte, comme celle des plus beaux arbres, les pins de Pamphili et les cyprès de Giusti. Ni morgue, ni orgueil, elles sont fières et souriantes, ces princesses. Elles ignorent le mal autant que le malheur. Tout est sain en elles, et rien n'est vulgaire : on voit bien que ces femmes sont des déesses. Le parc de leur concert n'est pas loin de l'Olympe.

Je ne veux pas savoir si le paysage est terni par le temps, si ces blondes Muses ont bruni, et si des mains obscures ont fait le deuil sur les robes de ces patriciennes. Et peut-être que je rêve ce tableau, plus que je ne le vois. Mais quoi .'* La vie est l'invitation au rêve, comme la mort en est la fin. Et les œuvres mortes sont celles qui nous empêchent de rêver.

André Suarès.

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