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PAGES CHOISIES DE NADAUD

L’œuvre de Nadaud serait-elle donc si médiocrement morale ? Assurément non ! Les restrictions que Von vient de faire pourraient le laisser croire. Or il suffit de reconnaître que ses « chansons légères » furent souvent trop légères et que certaines chansons sentimentales ne peuvent être louées. Et c’est tout. Mais à côté de cela, nous n’aurons aucune peine à démontrer qu’il s’inspira généralement d’une morale très élevée, c’ est-à-dire des principes chrétiens. Il fallait qu’il en fût ainsi pour qu’il pût affirmer avec sincérité que son idéal, comme celui de sa chanson, c’est « la vertu qui chante et la raison qui sourit ».

De cette noblesse dans les convictions, la carrière de Gustave Nadaud donne plus d’une cause et aussi plus d’une preuve. Il est bon de rappeler qu’il naquit à Roubaix, le 20 février 1820, dans une région qui se distinguait alors parmi les autres provinces françaises par son esprit de tradition et sa fidélité religieuse. Il y a moins à insister sur son éducation qui se fit à Paris au Collège Rollin ou sur ses débuts littéraires, de 1842 jusqu’à la fin de la Seconde République. Il est déjà plus intéressant d’observer qu’il obtient ses succès les plus éclatants dans les salons du Second Empire, non pas à la Cour, comme on l’a souvent raconté à tort, mais auprès de cette société brillante qui abandonne de plus en plus les maximes des philosophes du XVIIIème siècle pour se tourner vers l’Église. Enfin il importe surtout de retenir la réaction très vive que provoque chez Nadaud son ardent patriotisme, durant la guerre désastreuse de 1870 : dès lors l’idée morale domine nettement le poète et l’artiste. Il ne perdra rien de la délicatesse de sa sensibilité, mais il veut que la chanson, tout à la fois et au même degré, « charme, élève, console ». Déjà, comme infirmier volontaire malgré ses cinquante ans, durant la guerre, il tient, suivant ses propres termes, « à faire, comme il peut, sa petite Sœur de Charité » ; mais c’est en véritable apôtre que plus tard il se rend auprès de Desrousseaux, le chansonnier lillois alors mourant, pour l’amener à recevoir les derniers sacrements. A son tour, le 29 avril 1893, il fait lui-même une fin édifiante, celle d’un catholique tout-à-fait sincère et fidèle I.

I. Les biographies de Nadaud, courtes ou longues, en France ou même à l’étranger, ne manquent pas. Laissant de côté un grand nombre d’articles biographiques ou anecdo-