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les conquêtes du commandant belormeau

il est aisé de comprendre avec quel soulagement elle mit le dernier drap sur la pile, en congédiant sa servante. Quand celle-ci fut sortie, sans que sa moue eût diminué d’une ligne, le vieillard demanda à sa bru :

— Gabrielle, où donc est votre fille ?

— Elle est allée chez sa cousine, mon père.

— N’aurait-elle pu vous aider à plier cette lessive ?

Une légère rougeur monta au visage de Mme Michel

— Oh ! mon père, elle n’est guère forte.

— Vous, non plus ; cela ne vous a jamais empêchée de faire face à vos occupations.

— Valentine est si délicate…

— Pas tant que cela, pas tant que cela… vous la ménagez trop, ma fille.

Deux larmes embuèrent les yeux de Mme Michel.

— Mon père, vous savez bien pourquoi ?…

— Oui, Gabrielle, reprit le vieillard d’une voix plus douce, je sais quelle peine emplit votre cœur et que c’est cette peine-là qui a fait, pour votre fille, votre tendresse inquiète et craintive.

— J’ai toujours peur…

— Mais il ne faudrait pas que l’enfant en pâtit.

— Mon père, elle n’en pâtira point.

— Je ne suis pas de votre avis, Gabrielle ; c’est faire du tort, beaucoup de tort à un enfant que de le laisser grandir dans l’oisiveté. Vous savez bien tout ce qu’elle recèle de dangers pour une jeune personne et j’ajoute, sans vouloir vous faire de peine, pour Valentine, surtout !…

— Que voulez-vous dire, mon père ?

— Que Valentine est déjà trop portée à la rêverie ; qu’elle a un cœur sensible et une imagination romanesque… Il y a là, croyez-moi, un danger très grand…

— Mon père, le pensez-vous vraiment ?

— J’en suis convaincu et je vous préconise le remède infaillible : le travail ! Occupez les doigts de votre fille.