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les conquêtes du commandant belormeau

— Pourquoi ? L’amour est permis par Dieu.

— Pas celui que tu viens de me décrire, avec tant de ferveur. Vouloir être tout pour un homme, occu­per toutes ses pensées ; être son univers, comme tu dis, modestement, il me semble bien que cela vise à prendre, dans le cœur d’une créature, la place même de son créateur et que c’est un vœu très païen.

Valentine demeura, un peu confuse.

— Mettons que j’aie exagéré, dit-elle ; il n’en est pas moins vrai que j’eusse désiré un peu plus de poésie dans l’amour de Philippe…, s’il m’aime toutefois, comme tu le prétends ?…

— Comme je l’affirme.

— Quand je songe à ces choses, reprit Valentine, je me fais l’effet d’un enfant qu’on conduit, par la main, le long d’un couloir, vers un appartement paisible et bien clos. Des fenêtres s’ouvrent dans la muraille et elles donnent sur l’inconnu… un inconnu que je devine plein de charmes ; je crois saisir les frissons de palmes, des senteurs de roses, des murmures de sources ; je voudrais, de toute mon âme, jeter un coup d’œil sur ces attirantes ouvertures, mais elles sont trop élevées pour mes yeux et ma destinée m’entraîne, sans me permettre de m’arrêter.

— Mais tu es folle, Valentine ! Voyons, ce n’est pas sérieux tout cela ?

— Il est bien vrai que je l’éprouve et que parfois cela me fait mal… Tu n’as donc pas de ces aspirations, de ces rêves ? Ton cœur est satisfait, Minna ?

— Complètement.

— Tu l’aimes donc bien, ton Pierre, toi ?

— Je crois qu’en effet, je l’aime bien, c’est-à-dire de la bonne façon. Je sais qu’il a ses défauts ; je sais que j’ai mes travers et qu’entre nous, ce ne sera vraisemblablement pas la félicité sans mélange ; mais je sais également qu’il est droit et sûr ; je sais que nous avons la même foi et la même compré-