Page:Nalim - Les conquêtes du commandant Belormeau, 1927.pdf/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
les conquêtes du commandant belormeau

tants qui tous, dévotement, se rendaient à la grand’messe.

Mlle Herminie de Batanville, précédée de sa servante Benoîte, paraissait toujours la première. Mlle de Batanville était la plus notable, parmi les notables de Wattignies ; sa noble famille habitait le pays depuis les temps les plus reculés, riche, estimée, honorée de tous les habitants de l’antique petite ville.

Donc, comme la dernière vibration du dernier coup de cloche s’éteignait derrière les pierres vétustes du clocher, Mlle de Batanville et Benoîte s’engageaient sur la place.

Mlle Herminie avait dépassé la cinquantaine : elle était grande et mince comme une flèche de peuplier ; son visage aux traits fins montrait la couleur d’une vieille cire et elle tenait, obstinément baissées, ses longues paupières veinées de bleu. Elle avait grand air et portait avec une distinction extrême, sa robe de faille marron d’Inde, de cette faille flamande qui se tient debout, son châle à ramages verts, d’un vert éteint et doux et son bonnet d’authentique dentelle.

Benoîte, de quelques années, plus jeune que sa maîtresse, était brune, maigre, anguleuse et elle avait, au contraire de celle-ci, des yeux vifs et perçants. Elle s’avançait à grandes enjambées. Son long cou tendu en avant semblait lui frayer un passage à travers une foule imaginaire. Son vaste parapluie à manche de corne lui tenait lieu du faisceau de verges des licteurs de la Rome païenne.

Personne, au reste, parmi les paysans et les boutiquiers qui stationnaient sur la place, ne paraissait désireux d’aborder la noble demoiselle. En dépit de sa bonté et de sa générosité dont elle avait donné maintes preuves, on la savait un peu étrange, réservée à l’excès et au demeurant fort distante.