Page:Nau - Force ennemie.djvu/119

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Comment ai-je entendu toute cette scène qui scandalise évidemment la distinguée Mlle Bouffard dont la voix de contralto gémit : « Ah ! chez le Dr Froin ! — des « cacades » pareilles ! Où c’est que nous allons ! C’est « la renverse de tout ! »… Comment ai-je pu suivre ce dialogue ridicule au moment où je ne suis préoccupé que de l’état de la femme que j’aime ?

Elle a encore pâli ; ses yeux roulent, hagards ; son nez se pince et se tache de blanc livide aux narines ; sa bouche grimace un peu ! — Abomination ! Elle serait… presque laide… pour un autre que moi ! Le Directeur s’empresse, lui relève la tête sur l’oreiller, lui fait respirer des sels, tandis que Célestine Bouffard lui tape dans les mains.

Elle se réveille brusquement, regarde autour d’elle. Les beaux yeux sont encore égarés, toute sa figure est convulsée ; elle « ne se ressemble plus :

— Ô Docteur, quoi donc qu’elle a, c’te pauv’petite Mme Irène ! crie Mlle Bouffard. Vrai Dieu ! elle est-y changée ! Quel malheur !

— Taisez-vous ! dit sèchement le Dr Froin. Elle aura repris sa physionomie normale avant ce soir !

Mais le coup est porté : Irène — (c’est par Mlle Bouffard que j’aurai appris ce nom !) — Irène est prête à pleurer. Elle saisit le petit miroir demeuré à portée de sa main et y jette un regard épouvanté :