Page:Nau - Force ennemie.djvu/123

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à Robidor qu’a seurement pas brossé son capitonnage ? À qui qu’y fera de l’effet, mon galurin ? J’va-t-y être coquet pour trois pauvres vitres et un dos de cocher dans les bignes du Seigneur ?

Le cahotement du fiacre et le tangage sur place deviennent si doux, si berçants que Léonard se croit, bien sûr, dans un « rocking-chair » et finit par s’endormir.

Une heure, au moins, se passe. Le cocher dort aussi, saluant la croupe du bidet, puis la route, jusque là déserte, bordée de grands arbres espacés ombrageant des tas de cailloux, s’anime maintenant de maisonnettes grisâtres ; la douce rosse qui marche à sa guise et renifle l’arôme d’écuries connues, avance un peu plus vite, sans précipitation toutefois. Aux cahutes grises succèdent de nobles constructions de briques groseille à toits d’ardoises indigo, des pavillons de rentiers illustres, sans doute possible, — et le cheval cesse tout-à-coup de gratter de ses fers la chaussée dure et bombée. Il a fait halte derrière des charrettes de foin qui barrent la route, et peu gêné par son mors usé, gros comme une baleine de corset, commence à déjeuner avec lenteur.

L’adipeux cocher se réveille, roule péniblement à bas de son siège, passe un bras par la portière et secoue Léonard sans trop de précaution en hurlant :

— Eh ! mon vieux garde-chiourme ! V’là la mairerie !

Il reprend d’un ton posé d’observateur impartial,