Page:Nau - Force ennemie.djvu/140

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le sombre esprit venu d’une lointaine constellation par les vertigineux chemins de l’espace glacial.

Mlle Bouffard va se coucher, emportant la lumière. Je ne vois plus ma petite princesse, mais je la respire, je la hume ! Et c’est au petit jour, seulement, qu’un instinct plus fort que ma volonté, plus fort que ma passion, s’empare de moi, exige que je m’inquiète de Kmôhoûn et de cette autre partie de mon moi : la guenille terrestre dédaignée des heures et des heures… Et pourtant j’éprouve une sensation d’arrachement quand il me faut m’éloigner d’Irène, inconsciente de ma présence.

Tout est inexplicable dans ce qui m’arrive. Pourquoi la force qui me mène m’oblige-t-elle à frôler le sommeil de l’affligeante mère de ma « princesse », à constater que, calmée par un long repos dans un lit confortable, — bien différent, sans doute, du grabat offert quelques nuits à sa fatigue par la diabolique avarice du cousin Frédéric, — ses traits défripés et comme redessinés, son expression de visage devenue presque heureuse et « espérante », la vieille femme ressemble cruellement à ma délicieuse Irène ?

Pourquoi surtout, au moment où je suis frappé de la souriante placidité de la pauvre folle, une scène plus poignante que tout ce que j’ai vu aujourd’hui m’apparaît-elle comme un avertissement prophétique ? Oui, prophétique : l’affreux spectacle, je le reverrai presque identique, de mes yeux charnels, dans un autre pays, bien loin d’ici :